Le bébé, in utero, perçoit les sons et vibrations qui l'entourent... Les vinyles de Beethoven et Mozart passés et repassés tant de fois par Lila Ziouani ne sont donc sans doute pas étrangers à la vocation de ses jumelles, Fettouma et Zahia : la première est devenue violoncelliste professionnelle, la seconde, chef d'orchestre.
Découvrir, écouter, voir. Dans l'appartement de Pantin, au nord de Paris, les enfants Ziouani sont élevés par des parents férus d'art et de culture. Le père, kabyle, Abdelmadjid, est chef de rang dans un restaurant près de la salle Pleyel. Le jour où il se décide à pousser la porte de la célèbre institution, c'est pour écouter trois monstres sacrés du XXe siècle : Sviatoslav Richter, Mstislav Rostropovitch et Yehudi Menuhin ! La mère, algéroise, est, elle aussi, folle de musique classique, et inscrit ses jumelles au conservatoire de Pantin. A l'époque, dans la chambre de la petite fille, plutôt que des stars de cinéma ou de rock'n'roll, on trouve quelques posters de ses maestros préférés. Zahia choisit d'apprendre la guitare. Opiniâtre, elle poursuit son initiation, mais quelle déception lorsqu'elle comprend qu'accompagnée de cet instrument elle ne pourra jamais intégrer l'orchestre qui la fascine tant !
Déchiffrer, comparer, chercher. Il lui faut approcher l'orchestre. Zahia se met donc à l'alto. Révélation. Non pour ce violon grave, mais pour cette personne sur l'estrade, la baguette à la main. C'est décidé, Zahia sera chef d'orchestre ! Agée de 13 ans, elle dévore le répertoire. Pourquoi untel interprète cette symphonie de telle façon et tel autre tout à fait différemment ? Trois ans plus tard, son goût s'est aiguisé et elle est sélectionnée pour étudier la direction auprès du maestro roumain Sergiu Celibidache.
Les premiers prix ne suffisent pas. Une jeune femme d'origine algérienne ne correspond en effet en rien à l'image masculine et élitiste du chef d'orchestre... Zahia Ziouni, dans le livre qui raconte son parcours, dit ceci : « Quand on vient d'où je viens, on est plutôt orientée d'office vers une carrière de coiffeuse. » Ou encore : « Vouloir diriger un orchestre, c'était aussi fou qu'ambitionner d'être cosmonaute ou président de la République. » A force de talent, d'audace et de charisme, les portes se sont ouvertes pour cette femme orchestre.