Beethoven : les causes de sa mort révélées par des mèches de cheveux (08/05/2024)

Une analyse inédite des cheveux de l’immense compositeur allemand révèle enfin les causes de sa mort. Mais l’énigme de sa surdité précoce demeure irrésolue Explications.

CENT VINGT CINQ VIES POUR L'HUMANITE

Diego DIAZNombre de pages : 13220 €
Format(s) : Papier EPUB PDF

 

Ludwig, l’émouvante chanson que Léo Ferré a consacrée à Beethoven, le génial compositeur allemand, s’achève sur ces paroles, « la seule invention de l’homme/La douleur ». En effet, l’auteur de la 9e Symphonie a souffert toute sa vie, notamment de sa perte auditive, de troubles gastro-intestinaux et d’une grave maladie du foie qui a entraîné sa mort à Vienne, en Autriche, le 26 mars 1827, à l’âge de 56 ans.

Depuis près de deux siècles, les causes précises de son décès et de sa surdité, qui avait débuté dès sa 27e année, font toujours débat.

Selon les observations de son dernier médecin, le docteur Andreas Wawruch, la mort du musicien semblait due à une cirrhose du foie. Dès lors, de nombreuses recherches ont porté sur les pathologies à l’origine de cette cirrhose hépatique et de sa surdité : syphilis, hépatite aiguë, maladie osseuse de Paget entraînant des déformations du crâne…

Un séquençage automatique d’ADN à haut débit

Ces recherches s’appuyaient sur ses lettres, son journal, des notes de médecins, le rapport d’autopsie ou encore des descriptions de son squelette à la suite d’exhumations.

Une nouvelle recherche, conduite depuis 2014 par une équipe internationale et récemment publiée dans la revue Current Biology, a permis de cartographier les trois quarts du génome séquencé de Ludwig van Beethoven.

Les chercheurs ont utilisé une technique inédite dans le laboratoire de l’Institut Max-Planck d’anthropologie à Leipzig (Allemagne) : le séquençage automatique d’ADN à haut débit de cinq mèches de cheveux, authentifiées, du compositeur, qui avaient été prélevées durant les dernières années de sa vie.

Une prouesse technique de biologie moléculaire

« Cette étude est une prouesse technique de biologie moléculaire. Elle montre tout ce qu’il est possible de faire avec de l’ADN retrouvé dans des mèches de cheveux d’un sujet mort depuis plusieurs siècles : déterminer son sexe, son origine géographique, reconstituer sa filiation, connaître sa prédisposition génétique à certaines maladies, diagnostiquer des infections contractées de son vivant… », explique Olivier Dutour, directeur d’études en anthropologie biologique à l’École pratique des hautes études de Paris.

Résultat : il est « très probable » que la maladie du foie de Beethoven, certainement une cirrhose, identifiée par son médecin et confirmée par l’autopsie réalisée à son domicile selon ses dernières volontés, a été aggravée par la consommation d’alcool.

Les scientifiques ont aussi découvert des traces d’une infection par le virus de l’hépatite B, contractée à la fin de sa vie. Selon Olivier Dutour, cette étude révèle « la maîtrise parfaite de toute la gamme des techniques de génétique moléculaire et de bio-informatique ».

Un grand consommateur de bière, de vin du Rhin et de Hongrie

Elle conclut que c’est la combinaison de trois facteurs qui a emporté Ludwig : l’absorption excessive d’alcool, une très forte prédisposition génétique aux maladies du foie et l’infection par l’hépatite B. La consommation régulière d’alcool a manifestement exacerbé sa maladie et favorisé l’apparition de l’hépatite.

« Les causes de la mort de Beethoven sont connues par trois arguments, résume Olivier Dutour. Deux sont nouveaux et révélés par cette étude : une prédisposition génétique à la cirrhose du foie et une hépatite virale. Le dernier argument est historique et notoire : la consommation excessive d’alcool. Ces trois facteurs associés permettent de considérer que le foie du compositeur devait être en piteux état. »

On savait déjà que Beethoven était un grand consommateur de bière, de vin du Rhin et de Hongrie, bon marché et souvent frelatés. Selon un de ses amis proches, il en consommait « au moins un litre au déjeuner tous les jours ».

Les os du système auditif auraient disparu depuis l’autopsie

En revanche, la cause de sa surdité, devenue totale vers la cinquantaine et qui était la problématique initiale de cette recherche, n’a pas pu être expliquée par l’analyse génétique.

« Sur la surdité, constate Olivier Dutour, il ne semble pas y avoir de causes génétiques d’après cette étude. Il faudrait pouvoir analyser son crâne (déjà exhumé en 1863). Il serait alors possible d’examiner les structures osseuses de son système auditif, à la recherche d’une cause de surdité. Cependant, d’après certains biographes, il semble que ces structures osseuses aient déjà été prélevées lors de son autopsie, mais aucune étude n’a été publiée et les os ont apparemment disparu… L’énigme reste donc entière. »

Lors des funérailles de Beethoven, le 29 mars 1827, un cortège impressionnant de 10 000 à 30 000 anonymes partit de la dernière demeure de Ludwig pour se rendre à l’église de la Sainte-Trinité.

La foule n’avait jamais été aussi importante à Vienne, même lors de l’enterrement de souverains. L’acteur Heinrich Anschütz déclara pendant l’oraison funèbre : « La harpe s’est tue ! Laissez-moi l’appeler ainsi ! Car il fut un artiste, et ce qu’il fut, il le fut par l’art. » 

Source L'Humanité

20:31 | Tags : beethoven, mort | Lien permanent | Commentaires (0)